L’air est lourd.
C’est le matin. Un matin d’été à Paris. Les draps sont froissés. Du bout du pied, tu joues avec le coin du tissus. Il est léger, presque un voile, mais pourtant déjà trop chaud. Dehors résonnent quelques bruits parasites. Un chat qui miaule. Des oiseaux. Pas un bruissement d’arbre. Déjà, tu devines la chaleur à venir de la journée, déjà, tu crois sentir le mur rayonner la chaleur du soleil qui, déjà, le frappe impitoyablement.
C’est le matin, et tu es là, à penser un peu au ralenti. Il y a un bruit, pourtant, inhabituel. Oublié. Inattendu. Le pied fait bouger encore ce bout de drap. Le rejete. Regrette. Le ramène. La jambe le soulève. S’y enroule un peu. Bascule, entraînant avec lui le corps tout entier. Un bras hors de contrôle, s’étend jusqu’à frôler le corps allongé là, que les doigts instinctivement se mettent à caresser. La tête roule sur l’oreiller. Des mèches de cheveux s’écrasent. D’autres s’épanouissent. Un rai de lumière, mal filtré par le volet, disparaît dans leur couleur noir profond sur le tissu à motif marinière.
L’air, en revanche, est immobile. L’air d’un matin d’été à Paris, déjà écrasant. Il y a un souffle, pourtant, inhabituel. Oublié. Inattendu.
Ce souffle porte avec lui le parfum lourd d’une chambre à l’aube. Il est régulier. Il dort encore. Inlassablement, doucement, régulièrement, il inspire ce lieu qui est le tien, qui n’avait plus vu d’étranger depuis longtemps, et le restitue, identique avec un petit ajout, un petit peu de lui, dans chaque expiration. De tes yeux, tu suis le trait de lumière, tu bailles, tu t’éveilles vraiment et pourtant, plus bas que les yeux, que le nez, que la bouche, que le cou, juste là, sous ta poitrine qui se lève et s’abaisse en suivant la mesure de l’autre, tu as l’impression que ton coeur, lui, hésite, est perdu, ne sait plus, car après avoir été si longuement endormi, il se réveille en rêvant un peu.
L’air est léger.
C’est le matin. Un matin d’été en Bourgogne. Je viens de me lever, d’ouvrir la porte. Un café, je suis sorti. Dehors, le haut des arbres est dans un reste de brume. Le coq chante, il est, avec d’autres oiseaux qui pépient, seul à animer la campagne qui dort encore. L’air est humide et se dépose sur les arbres, les plantes, en gouttelettes transparentes. Pour la première fois, j’ai vu de la vapeur sortir de ma bouche en expirant, et réalisé que sur cette petite terrasse, à constater le réveil de ce petit monde, j’avais froid. J’aime la fin du mois d’août, quand les chaleurs d’été cèdent la place aux aurores fraîches de septembre. J’aurai aimé qu’au chant du coq, s’ajoute un leger souffle, derrière moi. Ça aurait été toi. Tu m’aurais rejoint, tu aurais collé ton torse à mon dos, tu m’aurais entouré de tes bras, mains sur mon cœur, tu aurais posé le bas de ton visage sur le haut de mon épaule, tu aurais joint ton souffle au mien et on serait resté là à vivre le moment en communion. Alors tu aurais frissonné, j’aurais souri, et tu aurais murmuré : “vient, retournons au lit”. Et j’aurais été le plus heureux des hommes.
Le café était achevé. J’ai frissonné. J’ai souri. Je suis rentré. Je suis retourné au lit. Sur la table de chevet m’attendait ton premier message de la journée. Il était 7h39 le mardi 20 août et l’air, léger, m’avait apporté quelques mots, de toi et rien que pour moi. Et alors, j’étais le plus heureux des hommes