Le sable était brulant. L’air, lui, était doux. Presque frais, agréable en tout cas. J’avais mal au pieds, le sable grattait et m’agaçait, mais moins que cette sensation pénible que la crème solaire laissait sur ma peau. Pourtant elle n’était pas mal, cette crème. Pas vraiment grasse, conformément à la promesse du packaging. Mais bien là, sèche, accrochante. En même temps, c’est bien ce qu’on lui demandait. Devant moi, les deux dos convenablement musclés se balançaient d’un pas à l’autre, de cette démarche caractéristique que l’on a dans le sable meuble, lorsque le pied cherche sa stabilité, s’enfonce, que le mollet hésite, le genou également, et puis finalement s’ancre dans le sol, et qu’on avance encore un peu en soulevant une gerbe de grains d’un jaune très clair, une gerbe qui s’éparpille dans le vent iodé. Je me demandais un peu ce que je foutais là. Était-ce cela, ma vie, à cet instant ? Regarder ces deux garçons, que j’admire et que j’aime chacun à un degré différent et pour des raisons diverses ? Tout en soufflant contre ce sac, trop lourd, ce soleil, trop agressif ? Mais en respirant cet air, délicieusement parfumé par la mer et par les conifères ? Je l’aspirais, en fermant les yeux. En savourant. Comme pour m’ennivrer, jusqu’à l’excès. Il n’y a pas plus égoïste que jouir d’un instant, en ressentir toutes les facettes, en apprécier le camaïeu des stimuli qui s’éparpillent, se retrouvent, s’aglutinent et font jaillir l’émotion, positive ou négative. C’est exactement ce que je recherchais dans ces quelques jours à Arcachon, c’est exactement ce dont j’avais besoin. L’ivresse du ressenti. Plus que de voir du monde, des visages nouveaux, que de rechercher à plaire pour se rassurer, j’avais besoin de me dire que si j’étais là, juste avec eux deux, ça n’était pas juste par pur hasard, mais parce que l’on partageait quelque chose : On créait un souvenir, ensemble et aussi chacun de son côté. S’il n’y avait pas eu ce sable trop lourd sous les pas, j’aurai forcé l’allure pour les rejoindre, s’il n’y avait pas eu ces crèmes trop grasses pour se toucher sans que ça ne soit désagréable, j’aurais ouvert les bras pour les enlacer, s’il n’y avait pas eu cette pudeur que l’amitié parfois impose, je les aurais étreints en les remerciant d’être eux et d’être ici. Solitairement, égoïstement, je dépiautais mon ivresse et du faisceaux des stimuli entortillés, l’air marin, le vent dans les pins, le sable chaud, le parfum lourd des résineux, le soleil sur la peau, je regardais naître petit à petit la satisfaction, toute simple, je la sentais m’étreindre et me faire me sentir, non seulement vivant, mais complet et heureux. Seule leur présence pouvait sublimer cet instant de même. C’est ça, l’amitié. Au fond c’est de l’amour sans la naïveté.
Après je venais de tester le naturisme donc j’étais peut être un peu désorienté.