Frondeuses frondaisons

Oui les gens sont sortis, sans masque, moi le premier, oui on a fait n’importe quoi coté gestes barrière, mais n’empêche, c’était un cool weekend au bois de Vincennes.

Oui c’était le weekend de déconfinement, et il a finalement répondu très précisément à ce qui m’avait manqué le plus : De la lumière, celle du soleil, un peu de fraicheur, celle d’une petite brise, un peu de chaleur, celle du coup de soleil à la fin de la première journée. Deux journées entières, étendu dans la verdure, à jouer avec les herbes du bout des orteils, à enchainer les verres de vin rosé dans des charmantes petites coupes juste qu’il faut de vintage pour qu’elles soient adorables. Regarder les gens, commenter les garçons qui courent – irréductibles sportifs ou néo-joggers qui n’ont pas encore renoncé ? -, se plaindre du gamin qui gâche notre tranquillité en chouinant – alors qu’en vrai, ça aussi c’est la vie et c’est charmant -, s’amuser de la vieille dame qui fait du tai-chi – qui nous dit qu’on ne fera pas la même chose dans 40 ans ?-, ricaner sur la propriétaire du petit chien un peu laid qui tente sa chance auprès de tous les attroupement de pique-niqueurs – alors qu’en vrai moi aussi je voudrais un chien pour rigoler de son comportement adorablement cabochard -. Charrier le pote qui nous a fait déménager pour aller à l’ombre, parce que trop chaud, pour revenir finalement au soleil, parce que trop froid. Savourer la caresse discrète et naturelle de cet autre, qui me fait me sentir si vivant sur la ligne de crète des élans du cœur. Espérer que rien ne change et que ce moment de liberté et d’insouciance ne s’épuise jamais.

Rire, exagérer, mentir, être puéril et sot, regarder presque avec nostalgie ces deux ou trois mois passés finalement bien aisément, comme une parenthèse dont on se demande si on veut vraiment la refermer. Conserver son alcoolémie bien constante, juste assez pour ne pas être sérieux, juste pas trop pour ne pas regretter, pile ce qu’il faut pour ne surtout, surtout pas culpabiliser. Oh, c’est facile lorsque, comme moi, le confinement ne s’est accompagné d’aucune crainte réelle, ni professionnelle ni personnelle. Nul malade sérieux dans mon entourage, de l’argent en fin de mois sans inquiétude, et quelques amis assez proches pour briser la monotonie en trichant un peu avec la liste des déplacements « autorisés par l’article 3 du décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ». Égoïsme pur, oui. Je préfère ne même pas chercher d’excuse ni même faire diversion en renvoyant chacun à ses contradictions. De toute manière, si je culpabilise de ma chance, je ne suis pas certain de culpabiliser de mes égoïsmes.

A bien y penser, il est d’ailleurs très probable que rien que ces deux pique-niques sous les frondaisons de Vincennes fraudaient les autorisations actuelles. Quelques esprits chagrins s’en offusqueront. Ils ont raison. Maintenant que les coupables en ont convenu, qu’ils nous laissent tranquilles.

One Reply to “Frondeuses frondaisons”

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *