Mon Lucien
Je me suis décidée : je vais rejoindre Inès et Emilie dans le Jura. Finalement c’est Mme Pernin qui m’a fait basculer, parce que monsieur le curé semblait un peu inquiet quand même par ce projet, mais je ne lui ai pas encore dit ma décision. Comme elle m’a dit qu’elle prendrais soin du jardin pendant mon absence, j’ai pensé que je pouvais te laisser aussi quelques temps. Et puis aussi, Inès m’a dit encore au téléphone mercredi dernier qu’elle voudrait bien sa mémé en vacances pour faire de la bicyclette. Seulement, moi, avec mes jambes et mon souffle, je n’en fait presque plus du tout, j’espère qu’elle ne sera pas trop déçue, pauvre petite. Elle me rappelle tellement la cousine que j’aimais tellement. Ils étaient venu d’Espagne avec mes parents, le même exode, et puis ils se sont fâchés alors que j’étais au cours élémentaire, et ils sont partis, on ne m’a jamais dis ce qu’il s’était produit.
Je crois qu’Emilie est en fait un peu inquiète de ma résolution, à tous les coups, elle me trouve trop vieille pour pareil périple, et surement pensait elle que je n’accepterai jamais de venir lorsqu’elle me l’a proposé, comme chaque année depuis qu’ils vont là bas. Mais c’est qu’elle a de la ressource la petite vieille !
Maintenant, je vais te dire la vérité : j’ai très peur, et je ne sais pas dans quoi je me suis embarquée ! J’ai déjà sorti ma vieille valise, comme quoi j’ai eu raison de l’entretenir depuis 20 ans qu’elle n’a pas servie, je l’ai posée dans l’ancienne chambre et je commence déjà à y ranger des affaires à ne pas oublier. En plus je ne sais même pas encore où coucher et je ne sais pas comment m’y prendre ! Emilie m’a dit que maintenant les gens utilisent un site de l’internet pour ça, bouquigue cela s’appelle, mais je n’y connais rien à ce charabia, je lui ai demandé de me trouver un petit quelque chose, pas loin de chez eux. Et moi il faut que je demande à Monsieur Bardou s’il voudrait bien m’emmener encore à la gare de Château Renault pour acheter des billets de train. Emilie m’a dit qu’elle viendrait me chercher à la gare à l’arrivée, il faut encore que je trouve quelqu’un pour m’emmener prendre le train à Tours.
Oh, Lucien, si tu savais comme cette idée m’excite et m’effraie en même temps… Je me sens demoiselle de nouveau, mais j’ai peur comme pour un premier voyage. Le Jura, te rends tu compte ? C’est à des centaines de kilomètres !
Les fraises ont terminé, presque, j’ai plus d’une trentaine de pots de confiture, et les carottes seront précoces cette année je crois bien.